THE DAY BEFORE

Coney Island, veille d’ouverture. L’odeur salée de l’Atlantique glisse sur le rivage, portée par un vent tiède qui s’engouffre entre les structures métalliques du parc encore endormi. Les montagnes russes se dressent en silence, immobiles comme des bêtes de foire en cage. Les néons, qui s’illumineront dans quelques heures à peine, restent éteints, figés dans l’attente du grand réveil.

Je me suis rendu sur place la veille de l’inauguration officielle, invité à une visite privée, loin du tumulte qui allait bientôt engloutir les allées du parc. Une visite pas comme les autres. Ce jour-là, seules quelques silhouettes parcouraient les lieux : des écolières de la communauté juive orthodoxe de Brooklyn, venues découvrir le parc dans un moment suspendu, avant que la foule ne s’en empare.

Le contraste était saisissant. Ces jeunes filles, vêtues de longues jupes sombres et de chemisiers sages, déambulaient entre les manèges bariolés, leurs rires légers résonnant dans un espace habituellement saturé de bruits mécaniques et de cris d’excitation. Elles avançaient en groupes serrés, certaines échangeant des regards complices, d’autres scrutant les attractions avec un mélange de curiosité et de retenue.

L’absence de la foule donnait au parc un air presque irréel. Un entre-deux, où les promesses d’adrénaline et d’excès semblaient mises en veille. Ici, un carrousel attendait de tourner, ses chevaux figés dans leur élan. Là, une grande roue arrêtée offrait un cadre parfait aux nuages filants. Plus loin, une allée jonchée de détritus de la saison passée laissait entrevoir l’effervescence à venir, une transition presque invisible entre la fin d’un cycle et le début d’un autre.

Je photographiais cette juxtaposition singulière : la douceur d’un moment préservé dans un lieu destiné à l’exubérance. Il y avait dans cette visite quelque chose d’intime, presque solennel, comme si le parc se laissait approcher sans fard, avant d’endosser son costume de lumière et d’agitation.

Coney Island est un mythe, un espace de nostalgie où l’Amérique des loisirs s’exhibe depuis plus d’un siècle. Mais ce jour-là, c’était autre chose. C’était l’attente. L’entre-deux. Le moment fragile avant que les cris ne remplacent le silence, avant que les manèges ne tournent et que la fête recommence.

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