IMMERSION, UNE AUTRE HISTOIRE
Au cœur des Carpates roumaines, j’ai plongé dans un monde qui semble figé hors du temps : celui des paysans roumains. Un univers à part, où la précarité est omniprésente, mais où la dignité et la résilience illuminent chaque geste du quotidien.
Après plus de deux heures de route depuis Drobeta-Turnu Severin, une ville modeste située à 150 km de Craiova, le voyage m’a conduit à Ponoarele. Ici, à près de 1 000 mètres d’altitude, la neige, qui était jadis un élément incontournable du paysage hivernal, se fait de plus en plus rare. Les hivers se transforment, et avec eux, les rythmes de la vie paysanne s’adaptent, non sans difficultés.
La vie à la ferme incarne un retour à l’essentiel, à ces actes fondamentaux que l’on oublie trop souvent dans nos vies modernes. Ici, l’essentiel n’est pas une option, mais une nécessité : couper du bois pour se chauffer, nourrir les animaux, préparer les repas… Ces tâches répétitives et rudes rythment les journées et définissent un mode de vie où chaque action est dictée par le besoin de survie.
Pendant six jours, j’ai partagé le quotidien de la famille Stoica, des paysans dont l’accueil et la générosité m’ont touché au plus profond. Mon expérience à leurs côtés était exceptionnelle, car c’était la première fois qu’ils ouvraient les portes de leur intimité à un étranger. Leur quotidien est marqué par une certaine austérité, mais aussi par une chaleur humaine extraordinaire.
Un événement marquant de mon séjour fut ma participation à une cérémonie religieuse unique, appelée « Ponare ». Cette célébration, organisée 40 jours après le décès de la mère de famille, a réuni l’ensemble du village pour un repas de fête. Au-delà de l’aspect religieux, cet événement a révélé une communauté solidement soudée, où chacun joue un rôle essentiel dans le soutien et la perpétuation des traditions.
Les repas du soir, partagés autour d’une table modeste mais chaleureuse, étaient un moment de connexion profonde. Les discussions s’étiraient jusqu’à la nuit, abordant des thèmes aussi divers que la géopolitique, l’écologie, l’art de vivre, la musique ou encore la littérature. Ces échanges étaient marqués par une sincérité et une ouverture d’esprit qui transcendaient les barrières culturelles. Dans cet isolement relatif, j’ai été frappé par la richesse des liens humains qui s’y tissent.
Mais derrière cette hospitalité et ces instants de partage, la réalité est bien plus sombre. Les conditions de vie sont précaires, et les habitants de cette région doivent faire face à des défis immenses. L’éloignement des grandes villes rend l’accès aux soins, à l’éducation et aux infrastructures basiques particulièrement difficile. La modernité semble les avoir oubliés, et pourtant, leur résilience témoigne d’une volonté farouche de préserver leur mode de vie, même face à l’adversité.
Mon voyage à Ponoarele a été bien plus qu’une simple immersion. Il m’a permis de toucher du doigt les contrastes profonds de cette Roumanie rurale, où la beauté des paysages et la chaleur humaine cohabitent avec une grande pauvreté et une vulnérabilité palpable. Cette expérience m’a offert une nouvelle perspective sur l’essentiel, sur la force de l’humain face à la rudesse de la vie, et sur l’importance de maintenir un lien avec nos racines et nos valeurs fondamentales.